5. Mesures visant à promouvoir l’information démocratique pendant les campagnes et les élections

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Les mesures visant à promouvoir l’information démocratique sont moins fréquentes, mais elles offrent une occasion d’obliger les plateformes, et éventuellement les acteurs nationaux, à diffuser de manière proactive des informations impartiales de manière à renforcer la résilience face à la désinformation politique et électorale. Bien qu’il existe peu d’exemples concrets, cette catégorie offre l’occasion d’examiner quels types d’approches juridiques et réglementaires pourraient être applicables.

« Les solutions pourraient viser à améliorer l’accès à l’information plutôt que de simplement protéger contre les préjudices à l’ordre public. » - David Kaye, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression

i. Promouvoir l’information démocratique : Mesures destinées aux acteurs nationaux
a. Exiger des partis et des candidats qu’ils publient des corrections lorsque des membres ou des sympathisants de leur parti diffusent des informations erronées 

Le projet de code de conduite électoral de l’Afrique du Sud sur les mesures destinées à lutter contre la désinformation visant à causer des préjudices pendant la période électorale (une analyse détaillée de ce code de conduite est disponible dans la section thématique sur les approches des organes de gestion des élections pour lutter contre la désinformation) stipule que la Commission Électorale peut obliger les partis et les candidats à corriger la désinformation électorale diffusée par les partis, les candidats ou leurs membres et sympathisants ; « le parti ou le candidat enregistré doit agir immédiatement pour prendre toutes les mesures raisonnables afin de corriger la désinformation et de réparer tout préjudice public causé, selon les circonstances et en consultation avec la Commission ».52 

Le Code de conduite électoral de l’Afrique du Sud définit la désinformation électorale avec précision et fournit un cadre pour signaler et statuer sur les violations, ce qui rend ces dispositions applicables. La spécificité de la définition autour des types de désinformation électorale qui seraient sujets à correction et un organisme de contrôle indépendant sont nécessaires pour que cette approche ait un impact et n’impose pas d’obligations indues aux candidats politiques.

S’il est adapté et appliqué de façon rigoureuse, un mécanisme visant à contraindre les candidats politiques à corriger les informations préjudiciables à la crédibilité du processus électoral par le biais de leurs propres réseaux de sympathisants a le potentiel de toucher les publics concernés via les mêmes canaux où ils auraient pu rencontrer le contenu problématique. Ce qui en retour peut amplifier les messages que les autorités électorales tentent de diffuser largement.

ii. Promouvoir l’information démocratique : Mesures destinées aux plateformes
a. Exiger des plateformes qu’elles offrent aux autorités électorales un espace publicitaire gratuit pour l’éducation des électeurs

Bien que qu’exiger des médias publics ou privés qu’ils fournissent un espace publicitaire égal et gratuit aux candidats politiques ait un précédent dans un certain nombre de pays, une autre voie consiste à exiger que l’espace publicitaire gratuit soit mis à la disposition des autorités électorales. Les plateformes de réseaux sociaux offrant un espace publicitaire gratuit aux organes de gestion des élections pourraient être une disposition utile et exécutoire qui pourrait, par exemple, aider à favoriser la participation, éduquer les électeurs de manière à diminuer le nombre de votes nuls ou améliorer l’accès des groupes marginalisés à l’information. 

L’utilisation des médias publics à cette fin est une pratique courante. De plus, certains pays exigent que les acteurs des médias privés offrent un espace gratuit aux autorités électorales. Au Mexique, la Constitution stipule que, pendant les périodes électorales, les radiodiffuseurs et les télévisions doivent fournir chaque jour 48 minutes d'espace publicitaire gratuit à répartir entre les autorités électorales, un espace étant également réservé aux messages des partis politiques.53 Le temps d'antenne est également fourni en quantité plus limitée pendant les périodes non électorales.54 En dehors de ce temps imparti, les partis politiques et les candidats ne sont pas autorisés à acheter ou à placer des publicités supplémentaires à la télévision ou à la radio.55 La loi électorale vénézuélienne exige également que les fournisseurs de télévision privés offrent un espace publicitaire gratuit à l'organisme de gestion des élections pour l'éducation civique et l'information des électeurs.56

Obliger les entreprises privées à servir de canal pour l’éducation des électeurs est une idée intéressante. Les principales plateformes, notamment Facebook, Google, Instagram et Twitter, ont choisi de leur propre gré de fournir des informations aux électeurs, telles que des rappels le jour du scrutin et des instructions sur la manière de voter (voir la sous-catégorie sur la coordination de l’organe de gestion des élections avec les entreprises de réseaux sociaux et de technologie). Avant les élections américaines de 2020, Facebook a également lancé volontairement un nouvel outil appelé Voting Alerts (Alertes de vote) qui a permis aux autorités électorales nationales et locales de contacter leurs électeurs grâce à des notifications sur Facebook, que l’utilisateur de Facebook suivent ou non la page Facebook de l’autorité électorale. Compte tenu du caractère volontaire de telles mesures, l’intégration des informations destinées aux électeurs dans les plateformes n’a pas lieu dans tous les pays ni pour toutes les élections. Les plateformes sont moins susceptibles de déployer des fonctionnalités pour les élections locales ou municipales, même si ces élections ont lieu dans tout le pays, que pour les élections présidentielles ou parlementaires. Envisager l’obligation pour les plateformes de fournir un espace gratuit pour l’éducation des électeurs dans le cadre du code juridique et réglementaire, en particulier dans les pays où un précédent analogue existe pour les médias traditionnels ou publics, pourrait être une idée à explorer. En outre, les exigences relatives aux fournisseurs de télévision sur Internet en streaming financés par la publicité, aux moteurs de recherche ou à d’autres intermédiaires des médias pourraient également être envisagées comme un autre endroit pour exiger l’intégration des publicités.

 

Footnotes

52. Clause 6(b).

53. Constitution du Mexique, (modifiée en 2015) : Article 41.III, § A(a).

54. Ibid, article 41.III, § A(b-g).

55. Ibid, article 41.III, § A.

56. Règlement général de la loi organique des processus électoraux, art. 214.