4. Approches prometteuses des programmes de lutte contre la désinformation sensibles au

Approches prometteuses des programmes de lutte contre la désinformation sensibles au genre

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Établissement des protocoles institutionnels et organisationnels

Plusieurs études récentes7 sur la prévalence et l’impact du harcèlement et des abus en ligne à l’encontre des journalistes (femmes) aux États-Unis et dans le monde entier ont révélé que de nombreuses personnes victimes de ces attaques ne signalent pas ces incidents à leurs employeurs ou à d’autres autorités par crainte que rien ne puisse être fait en réponse, ou par peur de répercussions personnelles ou professionnelles en cas de signalement.  Dans les cas où elles signalent ces incidents à leur employeur, il arrive que les organisations ne prennent pas de mesures ou traitent les signalements de manière incohérente et inadéquate.  Une recommandation clé qui ressort de ces conclusions est d’établir des protocoles institutionnels et organisationnels, y compris des politiques et des pratiques spécifiques pour soutenir les personnes attaquées et pour traiter les signalements d’attaques.

Sur la base de ces recherches et des travaux menés dans le domaine de la violence sexiste en ligne, les donateurs et les responsables de la mise en œuvre doivent soutenir les institutions et les organisations telles que les partis ou les campagnes politiques, les OGE, les organes de presse, ainsi que les organisations militantes ou de défense des droits, afin d’établir des protocoles institutionnels complets pour prévenir les attaques et répondre aux signalements, y compris : 

  • Offrir une formation et une éducation appropriées en matière de sûreté et de sécurité numériques sur le harcèlement en ligne
  • Établir des mécanismes de signalement clairs et accessibles qui garantissent la sécurité et la protection des victimes de la violence en ligne et de la désinformation genrée, ainsi que leur capacité à participer librement aux espaces numériques
  • Veiller à ce que les signalement d’attaques fassent l’objet d’une enquête systématique et cohérente et que les autorités compétentes soient saisies
  • Établir une variété de réponses que les institutions offriront pour soutenir leur personnel ou leurs membres qui font l’objet d’attaques (par exemple en filtrant et en documentant les menaces, en les signalant aux plateformes et/ou aux autorités, en coordonnant le discours de riposte, et en partageant des conseils et en fournissant un soutien au personnel ou aux membres qui choisissent de bloquer ou de confronter les auteurs de leurs attaques)
  • Fournir des ressources et des recommandations appropriées à la suite d’un signalement, telles que la sécurité physique, le soutien psychologique, le soutien juridique et les services de nettoyage des renseignements personnels

Afin de déterminer les protocoles nécessaires et de tenir compte des expériences vécues par les femmes et les personnes ayant des orientations sexuelles et des identités de genre différentes au travail, les programmes doivent prévoir du temps et des fonds pour permettre aux institutions de sonder leur personnel sur leurs expériences et d’impliquer le personnel dans les décisions concernant les protocoles, les politiques et les pratiques.

Cette approche peut être adaptée de l’industrie du journalisme et des médias à d’autres organisations et institutions où les attaques de désinformation genrée sont courantes, en mettant en place des politiques et des pratiques pour garantir des réponses solidaires, cohérentes et efficaces aux attaques directes.  Cette intervention peut contribuer à lutter contre l’impunité des auteurs d’attaques de désinformation genrée, ainsi que contre le silence, l’autocensure et le découragement des sujets de ces attaques à participer à la sphère politique ou publique.

 

Coordonner les stratégies de prévention, d’intervention et d’atténuation des risques et établir des voies de gestion des cas et de référence appropriées

La désinformation genrée , tout comme la violence sexiste, est un défi qui nécessite l’implication des parties prenantes dans de multiples secteurs et à de multiples niveaux.  Les efforts de prévention et d’intervention pour lutter contre la désinformation genrée dépendent de la coopération entre les secteurs public et privé, notamment les entreprises technologiques et les médias (en particulier les réseaux sociaux et les plateformes de communication numérique), les autorités chargées de l’application de la loi et de la justice, la société civile, les prestataires de services psychosociaux et de santé mentale, et les autres prestataires de soins de santé dans les cas où les efforts de désinformation alimentés par la technologie peuvent entraîner des dommages physiques.  En outre, les efforts d’atténuation des risques liés à la désinformation genrée dépendent également de la coopération et du partage d’informations entre ces parties prenantes et les décideurs aux niveaux national et international (afin d’alimenter les réformes juridiques et réglementaires), les acteurs de la société civile (afin de plaider en faveur d’interventions appropriées, efficaces et durables), le secteur de l’éducation (afin d’alimenter les programmes d’enseignement liés à la pensée critique et aux compétences analytiques, à l’éducation aux médias et à l’information, à la sécurité numérique), et le secteur de la sécurité dans les cas où les incidents de désinformation genrée peuvent faire partie d’une campagne coordonnée par des acteurs étrangers ou nationaux malveillants.

Les donateurs et les responsables de la mise en œuvre doivent s’appuyer sur la solide expérience du secteur de l’aide humanitaire, en particulier celle des coordinateurs et des prestataires de services chargés de la prévention et de la réponse à la Violence Basée sur le Genre (VBG), pour développer une approche coordonnée des interventions de désinformation sensibles au genre.  Plus précisément, les financeurs et les responsables de la mise en œuvre peuvent s’adapter et s’inspirer du Handbook for Coordinating Gender-based Violence Interventions in Emergencies (Manuel pour la Coordination des Interventions contre la Violence Basée sur le Genre dans les Situations d'Urgence) et modéliser des réseaux et des protocoles de coordination au niveau national sur les éléments pertinents de l’approche détaillée dans ce manuel pour mettre en œuvre des réponses à la désinformation tenant compte du genre. 

Deux éléments importants d’une approche coordonnée des interventions en matière de VBG dans les situations d’urgence, à reprendre lors de l’adaptation de cette approche sont la gestion des cas et l’établissement et l’utilisation de voies d’orientation appropriées.  L’établissement d’une gestion de cas appropriée dans ce scénario peut impliquer : {1) la partie prenante qui reçoit une plainte pour désinformation genrée (par exemple, une plateforme de réseaux sociaux ou la police locale) mène un processus d’accueil standard avec la personne qui fait le signalement ; et 2) la partie prenante qui reçoit la plainte ou le signalement utilise une voie d’orientation établie pour orienter la personne qui fait le signalement vers une organisation de la société civile locale (par exemple, des organisations de femmes locales qui sont des prestataires de services expérimentés en matière de VBG) pour une gestion de cas et des orientations supplémentaires, le cas échéant. Le fait d’orienter l’auteur de la déclaration vers un gestionnaire de cas établi, formé pour travailler avec les cibles ou les victimes de la désinformation genrée et disposant d’un réseau avec les autres parties prenantes, peut rationaliser les services de soutien pour l’auteur de la déclaration en établissant un point de contact qui sera son principal responsable de liaison. L’organisme chargé de la gestion des cas serait responsable de la communication des différentes options d’intervention et de recours disponibles, de l’orientation vers les prestataires de services appropriés du réseau d’orientation et de la transmission des cas aux membres appropriés du réseau de coordination pour le suivi, et (dans le cas d’une attaque directe) de la fourniture d’un soutien à la cible ou à la victime de l’attaque.  

Dans ce scénario, la mise en place de voies d’orientation impliquerait l’identification ou la création d’organisations ou d’institutions appropriées responsables des différents aspects de la réponse aux signalements de désinformation genrée, la garantie que toutes les organisations et institutions du réseau de coordination ont accès aux voies d’orientation, ce qui leur permettrait de recevoir les premiers signalements d’incidents et d’orienter les personnes concernées vers une organisation locale de gestion de cas, et aiderait les gestionnaires de cas à informer la personne concernée des services disponibles et des possibilités d’interventions ou de recours différents.  Si le déclarant donne son accord, le gestionnaire de cas doit également le mettre en relation avec les services pertinents dans le cadre de la procédure d’orientation.

Les donateurs doivent envisager de soutenir : 

  • Une cartographie ou une analyse sectorielle des parties prenantes concernées 
  • Une réunion de spécialistes et d’experts pour discuter du paysage et des besoins en matière de désinformation genrée
  • Formation et sensibilisation des autorités chargées de l’application de la loi, des juristes et des décideurs sur le genre, la violence sexiste en ligne et facilitée par la technologie, et la désinformation
  • La mise en place d’un réseau de coordination qui comprend les réseaux sociaux et les plateformes de communication numérique, les autorités chargées de l’application des lois et de la justice, la société civile, les prestataires de soins psychosociaux et de santé mentale et d’autres prestataires de santé
  • La définition de rôles et de responsabilités clairs pour les membres du réseau, par exemple la création d’organisations de gestion de cas avec le soutien de la société civile et des gouvernements
  • L’élaboration de protocoles d’intervention pour guider les efforts de coordination, de gestion, de prévention et d’intervention du réseau, y compris l’élaboration d’une méthodologie de gestion des cas et d’une voie d’orientation

Cette intervention peut contribuer à la mise en œuvre d’une approche holistique, centrée sur les victimes, de l’élaboration de programmes de prévention et de réponse en matière de lutte contre la désinformation sensible au genre, ainsi qu’à la lutte contre l’impunité des auteurs en institutionnalisant une approche cohérente et systématique du signalement des plaintes aux plateformes et aux autorités chargées de l’application de la loi pour enquête et recours.

 

Construire des réseaux et des communautés de soutiens et déployer un contre-discours

« Ne nourrissez pas les trolls » est un refrain courant d’avertissement offert à ceux qui se trouvent être les sujets de la désinformation genrée.  Les experts pensaient auparavant que la meilleure façon de lutter contre les attaques directes visant une personne en raison de son sexe et exploitant les normes et les stéréotypes genrés était de simplement ignorer ces attaques.  Pourtant, récemment, le dialogue autour de cette question a commencé à évoluer.  

Si certains conseillent encore de ne pas « nourrir les trolls » (autrement dit ignorer ou bloquer, signaler, puis ignorer les contenus préjudiciables qui leur sont adressés ou qui les concernent en ligne), d’autres personnes qui travaillent avec les victimes de ces attaques, ainsi que celles qui en ont elles-mêmes fait l’objet, ont commencé à reconnaître les lacunes de cette approche. Ils soulignent que les personnes victimes de désinformation genrée et celles qui en sont témoins peuvent tirer profit du fait de s’exprimer et de dénoncer les attaques (ou de voir d’autres personnes le faire), et qu’il est nécessaire de dénoncer la misogynie lorsqu’elle se manifeste dans les espaces numériques.  Les recherches menées dans le cadre du projet Name It. Change It. indique également que les femmes politiques qui répondent directement aux attaques genrées et dénoncent la misogynie et le harcèlement ou les abus dont elles sont victimes en ligne (ou lorsqu’un tiers le fait en leur nom) sont en mesure de regagner de la crédibilité auprès des électeurs qu’elles ont peut-être initialement perdu la suite d’une attaque.

Il est important d’indiquer clairement que, bien que les discussions sur ce sujet soient en cours et évoluent sur la meilleure façon dont les personnes peuvent ou « devraient » répondre à la désinformation genrée, il n’appartient pas à ceux qui font l’objet de telles attaques de réagir d’une manière ou d’une autre, voire de prévenir l’apparition de ces attaques ou de prendre des mesures pour en atténuer les risques.  Il ne faut pas attendre de ceux qui subissent des attaques de désinformation genrées qu’ils assument la charge de résoudre ce problème.  Il incombe plutôt à diverses parties prenantes (les plateformes technologiques, les institutions gouvernementales et les organismes de réglementation, les partis politiques, les organisations médiatiques et la société civile) d’établir et de mettre en œuvre des approches et des mécanismes efficaces pour prévenir la désinformation genrée et y répondre, ainsi que de s’attaquer à ses causes profondes et d’en atténuer les effets durables et profonds.  Néanmoins, les meilleures pratiques adaptées des programmes de lutte contre la violence sexiste indiquent que lorsque la personne victime de désinformation genrée signale un incident, il convient de lui présenter des informations sur les options de réponse et de recours disponibles, ainsi que sur les avantages potentiels et les risques supplémentaires associés à ces options.

L’une de ces réponses possibles à la désinformation genrée est le contre-discours, que le Dangerous Speech Project définit comme « toute réponse directe à un discours de haine ou nuisible qui cherche à le saper », notant également qu’« il existe deux types de contre-discours : les campagnes organisées de discours de riposte et les réponses spontanées et organiques. » Les personnes qui ont été ciblées par des contenus préjudiciables en ligne peuvent choisir de se livrer elles-mêmes à un contre-discours, ou de s’assurer le soutien de leur propre communauté personnelle et professionnelle ou d’un réseau en ligne de soutiens pour élaborer et utiliser un contre-discours publiquement en leur nom ou de façon privée avec des messages de soutien (par exemple par courriel ou sur une plateforme fermée).  L’efficacité du contre-discours est difficile à mesurer, en partie parce que ceux qui s’y livrent peuvent avoir des objectifs différents (allant du changement d’attitude de l’auteur à la limitation de la portée du contenu nuisible, en passant par la diffusion de messages de soutien à la personne attaquée). Cependant, des recherches émergentes et des preuves anecdotiques indiquent que l’élaboration et l’utilisation de contre-discours (que ce soit par les sujets de ces attaques, leurs institutions ou organisations, ou une communauté en ligne plus large de partisans) est une pratique prometteuse pour répondre à la désinformation genrée.8

Plusieurs résultats positifs des résultats que permettent d’atteindre le contre-discours ont été cités, notamment :

  • Redonner un sentiment d’autonomie aux cibles des attaques de désinformation genrée, en leur permettant de se réapproprier leur récit
  • Augmenter la probabilité de commentaires positifs, civils ou « prosociaux » et/ou diminuer la probabilité de commentaires négatifs, incivils ou « antisociaux »
  • Étouffer les contenus préjudiciables grâce à des contre-discours de soutien, tant dans les messages publics sur les réseaux sociaux que dans les communications privées
  • Montrer à ceux qui partagent des contenus préjudiciables que leur langage ou leur message n’est pas accepté

 

La surveillance des réseaux sociaux peut jouer un rôle important dans la lutte contre la désinformation genrée, et peut être liée à la coordination et au déploiement d’activités de contre-discours en réponse aux attaques de désinformation genrée.

Les chercheurs, les spécialistes et les acteurs de la société civile participent de plus en plus à des activités de surveillance des réseaux sociaux afin de mieux comprendre la désinformation genrée, d’identifier les points d’entrée pour interrompre la désinformation genrée, la fausse information virale et les discours de haine, et de plaider en faveur des lois ou des réglementations qui répondent aux défis croissants de la violence sexiste en ligne et de la diffusion de contenus genrés nuisibles en ligne. 

La surveillance des réseaux sociaux dans le contexte de la désinformation genrée peut être utilisée pour remplir deux fonctions principales : 

  • Écouter les discours qui se déroulent dans l’environnement numérique de l’information, surveiller la façon dont les choses sont ressenties et fournir une fenêtre importante sur la création, la diffusion et l’amplification des contenus préjudiciables 
  • Surveiller l’adhésion des acteurs politiques, des médias et des institutions publiques aux orientations légales et réglementaires et aux codes de conduite en matière de désinformation et de discours de haine, et contrôler l’application par les plateformes technologiques de leurs normes communautaires, conditions d’utilisation ou codes de conduite

Les donateurs, les chercheurs et les responsables de la mise en œuvre les plus précurseurs doivent commencer par créer des méthodologies et des outils pour surveiller les réseaux sociaux et collecter des données sur la désinformation, les discours de haine et la fausse information virale. Ceux-ci doivent être adaptés aux contextes locaux et appliqués à la recherche et aux programmes afin de mettre en place un effort efficace pour lutter contre la désinformation genrée . En 2019, le CEPPS a publié un outil d’analyse des réseaux sociaux pour surveiller la violence en ligne contre les femmes lors des élections. L’outil comprend un guide étape par étape sur la manière d’identifier les tendances et les modèles de violence en ligne, notamment : identifier les cibles potentielles à surveiller (c’est-à-dire les femmes politiques, les candidates, les activistes) ; définir le lexique des discours de haine à surveiller ; choisir les plateformes de réseaux sociaux à surveiller ; sélectionner les questions de recherche ; effectuer l’analyse à l’aide d’un logiciel d’exploration de données ; puis analyser les résultats. Une description complète du processus étape par étape peut être trouvée dans Violence Against Women in Elections Online du CEPPS : Un outil d’analyse des réseaux sociaux.

Le NDI a également élaboré une méthodologie pour récupérer et analyser efficacement ces données dans ses rapports « Tweets that Chill » et « Engendering Hate » avec Demos grâce à des recherches dans cinq pays. Une étape essentielle de la méthodologie est la création d’un lexique dans les langues locales du langage du harcèlement sexiste et du langage politique du moment par le biais d’ateliers avec des organisations locales de défense des droits des femmes et des organisations de technologie civique. 

Certaines des leçons essentielles de cette recherche comprennent :

  • Des lexiques contextuels et linguistiques de la violence en ligne doivent être créés puis on doit les faire évoluer : « Dans tous les pays étudiés, les participants à l’atelier ont souligné la nature fluide et évolutive du langage et ont réfléchi aux moyens de tenir compte de cette nuance dans la méthodologie de l’étude. Par exemple, le NDI a appris de l’atelier sur la Colombie que le langage violent en espagnol variait à travers l’Amérique latine, avec des mots spécifiques à la Colombie et des mots qui différaient d’une partie à l’autre du pays. En Indonésie, des mots ou des phrases religieux étaient utilisés, compliquant et intensifiant la violence en ligne en invoquant en même temps des messages religieux. Au Kenya, les participants à l’atelier ont noté qu’un certain nombre de mots/expressions violents qui étaient d’usage courant en swahili parlé, n’avaient pas encore été traduits en texte écrit en ligne sur Twitter. Ces leçons variées soulignent le besoin de lexiques contextuels et linguistiques qui peuvent être continuellement actualisés, modifiés et mis en œuvre avec des codeurs humains travaillant avec des algorithmes informatiques. (extrait de « Tweets that Chill »)

 

  • L’attention portée aux communautés minoritaires et aux identités croisées est essentielle : « La violence [contre les femmes en politique] en ligne est variée et contextuelle, car elle diffère d’un pays à l’autre et d’une culture à l’autre. Cependant, il est également vrai que les expressions utilisées et les impacts de la violence en ligne peuvent varier considérablement entre et parmi les communautés d’un même pays. C’est pourquoi il est important d’inclure et de prendre en compte intentionnellement les communautés de femmes historiquement marginalisées (par exemple, les femmes handicapées, les femmes LGBTI et les femmes appartenant à des minorités religieuses et ethniques) lors de l’exploration du phénomène de la [violence contre les femmes en politique] en ligne. Au cours de l’atelier en Colombie, des représentantes des communauté des sourds et malentendants ont expliqué que la violence à laquelle ils étaient confrontés ne se manifestait pas sous forme de texte, mais par le téléchargement de GIF violents et/ou de clips vidéo en langue des signes. Il a été expliqué que ce mécanisme de diffusion était particulièrement efficace pour transmettre la menace et l’insécurité car, pour la majorité des membres de la communauté des sourds et malentendants en Colombie, la langue des signes est leur première langue, et le ciblage était donc facilement reconnaissable. Le fait de comprendre que les types de menaces et les modes de violence en ligne peuvent différer considérablement lorsqu’ils visent différentes communautés marginalisées indique que des travaux supplémentaires sont nécessaires pour créer des lexiques pertinents. » (extrait de « Tweets that Chill »)

 

  • Centre d’expertise locale : « La manière dont la désinformation genrée est formulée et se propage sur un réseau varie considérablement en fonction du contexte. L’identification ou l’atténuation de la désinformation genrée ne peut réussir sans le rôle central et la direction d’experts locaux qui comprennent les subtilités de la manière dont la désinformation genrée peut s’exprimer et où elle est susceptible de se produire et à quel moment. Les plateformes doivent soutenir le travail des experts locaux en matière d’identification et de lutte contre la désinformation genrée , par exemple en leur donnant accès à des données ou en testant des réponses potentielles en modifiant la conception de la plateforme. Il est peu probable que les systèmes automatisés d’identification de désinformation genrée aient des niveaux de précision élevés, mais s’ils sont utilisés, ils doivent l’être de manière transparente et sous la supervision d’experts locaux. » (extrait de « Engedering Hate »)

 

La section 6.2.b du chapitre sur le Cadre législatif et réglementaire en matière de renforcement des capacités de surveillance des violations et le chapitre sur la Surveillance des élections explorent plus en détail ces concepts.

Apparemment en réponse à ce que beaucoup perçoivent comme un manque d’interventions adéquates de la part des décideurs et des plateformes technologiques pour traiter le problème de la désinformation genrée, plusieurs ONG, sociétés civiles et organisations de défense ont conçu des interventions visant à former les cibles probables de ces attaques numériques (ainsi que leurs employeurs, leurs alliés et les témoins) à développer et à mettre en œuvre une campagne de contre-discours efficace, tandis que d’autres ont créé des communautés de supporters en ligne prêtes à soutenir les cibles de ces attaques dans leurs efforts de contre-discours (parmi d’autres services de soutien tels que la surveillance de l’espace numérique où se déroule l’attaque et l’aide à la cible de l’attaque pour signaler l’incident).

 

Exemples de formation au contre-discours :

  • Le programme d’entrainement Gendersec de Tactical Tech au sujet du hacking des discours de haine « Hacking Hate Speech », un programme d’ateliers de formation sur la manière de mettre en place un réseau de soutien en ligne, de créer du contenu textuel et visuel de contre-discours et de déployer une campagne de contre-discours
  • Le manuel de terrain sur le harcèlement en ligne de PEN America, un guide de formation pour les journalistes et les écrivains sur la façon de réagir au harcèlement et aux abus en ligne, y compris la création d’une communauté de partisans et la rédaction de messages de contre-discours ; des conseils pour les employeurs sur la façon de soutenir le personnel victime de harcèlement en ligne, y compris par le biais de contre-discours

Communautés en ligne de soutiens et exemples de programmes de contre-discours :

  • Le projet HeartMob de Hollaback! , une plateforme en ligne qui dispose d’un réseau de soutiens prêts à répondre aux signalements des utilisateurs de harcèlement en ligne et de fournir un contre-discours positif (entre autres services de soutien)
  • TrollBusters est un réseau de supporters prêts à réagir aux signalement de harcèlement en ligne des femmes journalistes en leur fournissant un contre-discours positif ; il s’agit notamment de surveiller les comptes de réseau sociaux des cibles pour détecter les attaques continues et d’envoyer des messages de riposte en continu (entre autres services de soutien)

Les financeurs et les responsables de la mise en œuvre doivent envisager de fournir un soutien pour intensifier les interventions comme celles mentionnées ci-dessus afin de créer des communautés de soutiens et d’élaborer et d’utiliser des campagnes de contre-discours efficaces, notamment en soutenant l’intégration de ces interventions de la société civile dans les plateformes technologiques.

Renforcer les facteurs de protection et renforcer la résilience des individus et des communautés

Étant donné que la désinformation genrée prend sa source dans l’inégalité des sexes et les normes discriminatoires, dissuader sa création, sa diffusion et son amplification dans l’environnement numérique de l’information exigera des donateurs et des responsables de la mise en œuvre qu’ils pensent au-delà de la portée perçue des programmes de lutte contre la désinformation.  Comme indiqué précédemment, les programmes visant à renforcer les facteurs de protection et à développer la résilience des individus, des communautés et des sociétés face à la désinformation genrée peuvent ne pas ressembler aux programmes que les donateurs et les responsables de la mise en œuvre considèrent généralement comme des interventions de lutte contre la désinformation.  Ce programme ne doit pas se limiter à des interventions visant à renforcer la résilience des femmes, des filles et des personnes ayant des orientations sexuelles et des identités de genre différentes (bien qu’il s’agisse d’un type de réponse important), mais doit également inclure des interventions transformatrices en matière de genre qui visent à renforcer la résilience et la protection de communautés et de sociétés entières contre la perpétration et la consommation de désinformation genrée.  

Les programmes visant à renforcer les facteurs de protection des individus, des communautés et des sociétés contre la menace de la désinformation genrée (et de la désinformation au sens large) comprennent des interventions dans tous les secteurs du développement, notamment des programmes visant à : 

  • Promouvoir l’égalité et la justice entre les sexes
  • Transformer les normes en matière de genre discriminatoires et patriarcales
  • Renforcer la cohésion sociale
  • Accroître la participation démocratique et l’inclusion
  • Améliorer l’accès équitable à une éducation de qualité
  • Accroître la stabilité économique et améliorer les opportunités économiques
  • Développer l’éducation aux médias et à l’information 
  • Renforcer la pensée critique, les compétences en analyse et en recherche 
  • Fournir un soutien social et des opportunités de renforcement de la confiance 

Certains de ceux qui travaillent à la jonction de la technologie, de la désinformation et du genre mettront en garde contre le fait que l’accent mis sur des interventions telles que l’éducation aux médias et à l’information, les compétences en matière de pensée critique et le renforcement de la confiance en soi impose manière inappropriée la responsabilité de résister à la désinformation et à ses effets aux individus qui en sont victimes, plutôt qu’au secteur de la technologie et aux décideurs en ce qui concerne l’identification et la mise en place des solutions efficaces.  La charge de la réponse et de la prévention de la désinformation genrée ne doit pas reposer sur les épaules des sujets d’attaques numériques genrées, ni sur celles des personnes ciblées ou manipulées en tant que consommateurs de contenus faux ou problématiques. Pourtant, afin d’éradiquer le problème de la désinformation, les efforts de lutte contre la désinformation sensibles au genre doivent inclure une réflexion globale sur le renforcement de la résilience à la désinformation et la conception de programmes visant à renforcer la résilience non seulement des individus, mais aussi des communautés et des sociétés entières.  Les programmes d’éducation aux médias et à l’information mis en œuvre au niveau régional ou national, par exemple, n’imposent pas à chaque élève la responsabilité d’apprendre à résister à la désinformation genrée, mais visent plutôt à immuniser des communautés entières contre les problèmes d’intégrité de l’information.

Les donateurs et les responsables de la mise en œuvre doivent s’efforcer d’intégrer des programmes de lutte contre la désinformation sensibles au genre dans tous les secteurs de développement, en intégrant ces interventions dans des programmes axés sur le changement social et comportemental à plus long terme afin de renforcer la résilience des individus, des communautés et des sociétés à résister au problème évolutif de la désinformation.