1. Les partis politiques et la tragédie des biens publiques d’information

Définition des partis politiques

Les partis politiques sont des groupes organisés d’individus ayant des idées ou des intérêts politiques similaires qui tentent d’élaborer des politiques en faisant élire des candidats à des postes. 1 Cette fonction électorale – présenter les candidats et obtenir des voix pour ces candidats – distingue les partis politiques des autres organisations, y compris les Organisations de la Société Civile (OSC) ou les groupes d’intérêt. De part l’enjeu électoral, les acteurs des partis politiques peuvent se voir incités à avoir recours à la désinformation et aux réponses programmatiques. 

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Partis politiques, information et démocratie : Une vue d’ensemble pour développer une analyse de contexte, des énoncés de problèmes et des théories du changement

 

Comment les partis mettent les citoyens en contact avec leurs représentants

La capacité des systèmes de partis à façonner de manière constructive la compétition électorale dépend de l’échange d’informations de qualité. Conceptuellement, les partis relient les citoyens aux élus par le biais d’un mécanisme de marché. Dans les systèmes multipartites démocratiques, les partis politiques regroupent de nombreux intérêts disparates et parfois conflictuels sous une seule image de marque (agrégation d’intérêts) qu’ils « vendent » à leur tour aux électeurs lors des élections (articulation d’intérêts ). 2 Il est toutefois important de noter que ce processus représente un modèle idéal de concurrence démocratique entre des partis politiques programmatiques qui, selon les politologues, devrait produire les meilleurs résultats démocratiques pour les citoyens, notamment des biens et services publics de haute qualité et des niveaux élevés de responsabilité. Cependant, aucun parti ou système de parti unique ne se rapproche de ce modèle dans la pratique, et beaucoup en sont loin. 

En effet, dans de nombreux cas, les partis ne parviennent pas à agréger ou à articuler efficacement les préférences des citoyens. La désinformation, créant des communautés épistémiques fracturées et isolées, rend clairement les processus d’agrégation et d’articulation des intérêts plus difficiles, bien qu’il ne soit finalement pas évident de savoir si la désinformation en est une cause ou une conséquence. Pour que ces processus fonctionnent efficacement, les partis politiques et les élus doivent disposer d’informations correctes sur les préférences de leurs électeurs, et les électeurs doivent disposer d’informations correctes sur les performances de leurs représentants. L’image de marque des partis facilite cette responsabilisation en fournissant un critère aux électeurs ; les citoyens peuvent juger leurs représentants par rapport à ce que promet l’image de marque de leur parti. Ces processus sont particulièrement importants pour l’inclusion politique. Des informations claires sur les préférences des électeurs et les performances des représentants améliorent la probabilité que les intérêts des groupes marginalisés soient entendus et perçus comme légitimes et, en tant que tels, représentent une incitation électorale aux dirigeants politiques à défendre ces intérêts.  Cette transmission d’informations entre les élites et les électeurs est une condition nécessaire (mais pas suffisante) au fonctionnement des systèmes de partis démocratiques. Sans une information de qualité, les partis et les élus ne peuvent pas déterminer les préférences des électeurs, et ces derniers ne peuvent pas associer les performances ou les résultats politiques à l’image de marque d’un parti pour demander des comptes aux élus. En outre, la désinformation peut influencer les personnes dont les voix sont entendues et dont les intérêts sont légitimes. En tant que telles, les élites politiques peuvent être incitées à utiliser la désinformation pour marginaliser davantage les groupes sous-représentés.

Exclusivité et attribution : Pourquoi il est difficile pour les citoyens de tenir les représentants responsables des politiques publiques en l’absence de partis fonctionnels et d’information de qualité.

Cependant, ce problème d’échange d’informations correctes est aggravé par la nature des politiques publiques. En termes économiques, les biens et services publics sont non exclusifs – il est difficile d’empêcher les citoyens d’en profiter s’ils leur sont fournis. Par exemple, une bonne défense nationale protège tous les citoyens, même ceux qui n’ont pas payé leurs impôts ; il n’est ni pratique ni rentable pour un État de refuser la défense nationale à certains citoyens.  Les biens privés, l’argent en échange d’un vote, par exemple, peuvent être livrés directement à des individus spécifiques, qui savent exactement qui le leur a fourni. 

Les politiques publiques, en revanche, souffrent d’un problème d’attribution. Étant donné que ces biens sont fournis collectivement, les citoyens sont susceptibles de ne pas savoir quels fonctionnaires ou partis spécifiques en sont responsables (et inversement, qui est responsable de conséquences imprévues ou de l’absence totale de politique). De plus, les politiques publiques sont complexes. Ces deux politiques, et leurs résultats observables par les citoyens, sont le produit d’interactions complexes d’intérêts, de contexte, de processus d’élaboration et de mise en œuvre de politiques. En outre, les résultats observables, comme une économie prospère ou une population en bonne santé, peuvent accuser un retard important par rapport aux politiques qui en sont le plus directement responsables. En tant que tels, les citoyens peuvent trouver difficile d’attribuer les résultats des politiques à des représentants spécifiques.3 Les partis politiques peuvent aider à simplifier les questions politiques complexes pour les électeurs, en supposant encore une fois un échange d’informations correctes entre les élites et les électeurs. 

La tragédie des ressources publiques d’information : Tenir compte des incitations dans la lutte contre les programmes de désinformation

Ces concepts interdépendants, les fonctions d’agrégation et d’articulation des intérêts des partis, le rôle de l’information dans la compétition politique démocratique et les problèmes d’attribution des politiques publiques ont des implications importantes pour la conception et la mise en œuvre de programmes de lutte contre la désinformation. À l’instar de la défense nationale ou d’une infrastructure de transport fonctionnelle, un environnement informationnel sain profite à tout le monde, et il n’est pas pratique d’en exclure des individus ou des groupes particuliers. Pour les partis, cette nature de l’environnement informationnel crée un problème d’action collective ou de « parasitisme ». 4 Alors que les meilleurs résultats collectifs sont obtenus lorsque tous les acteurs s’abstiennent de se livrer à la désinformation, chaque individu est incité à « parasiter », c’est-à-dire à profiter d’un environnement informationnel sain tout en obtenant un avantage concurrentiel marginal en polluant le terrain. En ce sens, le problème de la désinformation pour les partis politiques est une tragédie des biens communs, 5 où de petites transgressions par de multiples acteurs finissent par gâcher l’environnement informationnel. 6 Cela peut se produire même dans des circonstances idéales : des environnements relativement ouverts avec des élections compétitives. Il est aggravé dans les systèmes autoritaires ou semi-autoritaires dans lesquels le détenteur exerce un contrôle important sur l’environnement informationnel par la répression ou le contrôle des médias, ou lorsque des partis ou des politiciens marginaux sont incités à faire proliférer des contenus provocateurs dans le but d’accroître l’attention ou la visibilité. 7 Ce contrôle de l’environnement informationnel empêche une compétition électorale significative entre les partis, réduisant davantage toute incitation à coopérer sur l’intégrité de l’information. Bien que cette situation puisse inciter les partis d’opposition à lutter contre la désinformation, surtout s’ils considèrent comme un avantage que le public les perçoivent comme un parti honnête, elle peut également conduire à des cercles vicieux de dégradation de l’environnement informationnel lorsqu’il y a des changements de pouvoir. 

Comme d’autres biens et services publics, un bon environnement informationnel profite à tous. Les citoyens obtiennent des informations précises sur les performances de leurs représentants et peuvent les récompenser ou les sanctionner en conséquence. Les partis obtiennent des informations correctes sur ce que veulent leurs citoyens. Un environnement informationnel sain dépend de l’engagement de chaque acteur à atteindre ce résultat. En réalité, les partis ont intérêt, d’un point de vue électoral, à semer la confusion - à laisser tous les autres partis concurrents être honnêtes alors qu’ils dénaturent les problématiques de politique publique. Encore une fois, ce dilemme rend difficile la lutte contre la désinformation, même dans le meilleur des cas. Là où les partis et les systèmes de partis ne correspondent pas à ce modèle idéal, le dilemme sera plus difficile à résoudre. 

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Problème du principal-agent : Un problème organisationnel dans lequel un acteur (le principal) a le pouvoir de fixer des objectifs collectifs et doit s'assurer qu'un ou plusieurs autres acteurs (les agents) se comportent de manière à faire avancer ces objectifs, même si les agents contrôlent les informations sur leurs propres performances. Pour une illustration du problème principal-agent dans les messages de campagne, voir Enos, Ryan D., et Eitan D. Hersh. « Party Activists as Campaign Advertisers: The Ground Campaign as a Principal-Agent Problem. »

American Political Science Review 109, no. 2 (Mai 2015) : 252–78. https://doi.org/10.1017/S0003055415000064.

Le problème principal-agent des partis politiques : Maintenir les engagements de lutte contre la désinformation au sein des partis

De plus, les partis politiques ne sont pas des unités homogènes ; ce sont des coalitions de candidats, de circonscriptions et de groupes d’intérêt variés (et souvent concurrents). En tant que tels, tous les partis politiques sont confrontés à un défi supplémentaire, qui consiste à faire en sorte que les candidats et les membres soient responsables des objectifs et de la plateforme organisationnelle des partis.  Dans le contexte de la désinformation, même les partis démocratiques ou réformateurs, ou encore les partis qui pensent pouvoir gagner des voix en prenant position contre la désinformation, sont confrontés à un problème principal-agent. D’une part, les chefs de parti peuvent simplement ne pas être au courant des tentatives des affiliés de générer ou de profiter de la désinformation. D’autre part, ce problème crée une situation de déni plausible – les élites peuvent tacitement encourager leurs partisans à se livrer à des activités de désinformation pour aider les perspectives électorales des partis tandis que les dirigeants signalent leur engagement en faveur de l’intégrité de l’information. En outre, il arrive souvent que les membres d’un parti exploitent les clivages fondés sur le sexe ou l’identité des « concurrents » au sein de leur propre parti pour obtenir un avantage concurrentiel, ce qui peut inclure le recours à des discours de haine, à la désinformation ou à d’autres formes de contenu nuisible promu dans la sphère publique. Si cette dynamique n’est pas reconnue, l’élaboration de programmes de DDG peut aider à légitimer les tactiques de campagne qui sapent la responsabilité démocratique. En bref, les professionnels en matière de DDG ne devraient pas supposer que les partis politiques sont des unités homogènes, et les solutions techniques devraient inclure des approches pour aider les acteurs des partis politiques à garantir que tous les candidats et sympathisants maintiennent leurs engagements envers l’intégrité de l’information. Bien que ces modèles aident à illustrer les incitations importantes auxquelles les concepteurs de programmes devraient être sensibles, il est important de noter qu’ils n’excluent pas les solutions techniques. En plus d’encourager, de soutenir et de former les dirigeants des partis à donner le ton et à définir les attentes, la mise en place d’une infrastructure de communication et de coordination au sein du parti permettra de responsabiliser les membres et les candidats. La section « Réponses des programmes de DDG à la désinformation avec les partenaires des partis politiques » ci-dessous fournit des idées concrètes de programmes visant à soutenir les initiatives des partis pour protéger l’intégrité des informations.

Fonctions des partis, incitations aux abus et conception des programmes

En termes concrets, les partis politiques remplissent quatre fonctions basées sur l’information dans les systèmes démocratiques multipartites : l’agrégation des intérêts, l’articulation des intérêts, la mobilisation des citoyens, et la persuasion. Les résultats collectifs démocratiques sont plus probables lorsque les partis remplissent ces fonctions sur la base d’informations correctes. Cependant, au sein de chaque fonction, les partis ou les candidats particuliers sont incités à manipuler les informations pour obtenir un avantage électoral.

L’agrégation des intérêts fait référence à la capacité des partis à solliciter des informations sur les intérêts et les préférences des citoyens. Pour élaborer des politiques adaptées et participer aux élections, les partis doivent disposer d’informations fiables sur les intérêts et les préférences des électeurs.  Ils peuvent également être incités à déformer l’opinion publique, tant auprès de leurs adversaires que du public. Par exemple, pour donner la priorité à une politique qui est largement impopulaire, mais qui est importante pour une circonscription spécifique clé, un parti ou un candidat peut être incité à déformer une étude d’opinion publique ou à amplifier artificiellement le soutien à une politique sur les réseaux sociaux à l’aide de réseaux de robots. 

L’articulation des intérêts fait référence à la capacité des partis à promouvoir des idées, des programmes et des politiques, tant lors de la campagne que pendant le processus d’élaboration des politiques. L’articulation des intérêts exige que les partis politiques s’engagent auprès des électeurs à une communication sur les problèmes à la fois de masse et ciblée. Cette fonction peut également exiger des partis et des candidats qu’ils persuadent (voir ci-dessous) les citoyens de leurs points de vue – en particulier pour convaincre les électeurs que des politiques spécifiques répondront à leurs intérêts. Encore une fois, il y a un avantage social à disposer d’informations « vraies » sur les politiques et les positions – les citoyens peuvent voter pour les partis qui représentent le mieux leurs préférences. Cependant, pour obtenir un avantage électoral, des partis ou des candidats individuels peuvent avoir intérêt à déformer leurs positions politiques ou les conséquences potentielles des politiques privilégiées, en fabriquant des études de recherche ou en faisant de groupes vulnérables des boucs émissaires. 

La mobilisationfait référence à la capacité des partis à inciter les citoyens à participer politiquement, notamment en participant à des rassemblements ou à des événements, en menant des actions discrètes comme la signature de pétitions ou la prise de contact avec des représentants, et surtout en votant. Pour produire les résultats les plus démocratiques, la mobilisation doit être basée sur une information correcte ; les partis doivent fournir aux électeurs potentiels des informations précises sur les politiques et le processus électoral – en particulier où et comment voter.  Cependant, les partis et les candidats particuliers peuvent obtenir un avantage électoral en se livrant à des tactiques de mobilisation plus néfastes. La mobilisation peut impliquer la coercition – l’utilisation de la désinformation pour « effrayer » les électeurs des conséquences des politiques des opposants, pour provoquer les électeurs en exacerbant les préjugés ou les clivages politiques, ou pour démobiliser les candidats ou les partisans de l’opposition par le harcèlement, ou en générant de l’apathie. 

La persuasion fait référence à la tentative des partis ou des candidats faire changer d’opinions les électeurs sur les candidats ou les questions politiques. Contrairement à la mobilisation, qui se concentre souvent sur partisans des partis reconnus ou les électeurs apathiques, la persuasion vise généralement les modérés, les « indécis » ou les partisans fragiles des partis adverses. 

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Agents clés : Les trolls, les robots, les sites de fausses nouvelles, les théoriciens du complot, les politiciens, les médias partisans, les médias grand public et les gouvernements étrangers9

Messages clés10 : offenser, polarisation affective, racisme/sexisme/misogynie, « preuve sociale » (inflation artificielle d'indicateurs qu'une croyance est largement répandue), harcèlement, dissuasion (utilisation du harcèlement ou de l'intimidation pour décourager un acteur d'entreprendre une action, comme se présenter à une élection ou défendre une politique), divertissement, théories du complot, fomenter la peur ou l'anxiété d'un groupe d'appartenance préféré, sophismes logiques, fausses représentations de la politique publique, déclarations factuellement fausses

Interprètes clés : Citoyens, membres et partisans de partis, élus, membres des médias

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Remarques sur les sources de désinformation :

Le cadre du désordre de l'information suggère d'identifier les tactiques de désinformation et les réponses possibles en réfléchissant systématiquement à l'agent, au message et à l'interprète de l'information. De nombreux programmes de DDG, en particulier ceux financés par les donateurs du gouvernement américain, se concentrent sur le renforcement de la résilience d'un pays cible face aux campagnes de désinformation étrangères, en particulier par les gouvernements (ou les partisans des gouvernements) de la Chine, de la Russie et de l'Iran. Toutefois, il est important de noter, notamment au sein des partis politiques, que les agents (ou les auteurs) des campagnes de désinformation peuvent également être des acteurs nationaux cherchant à influencer le comportement de leur opposition politique ou de leurs partisans. Même dans le cas de campagnes dirigées par des étrangers, les interprètes (ou les cibles) ne sont pas sélectionnés de manière large ou arbitraire. Les campagnes étrangères cherchent plutôt à exacerber les clivages sociaux et politiques existants, dans le but d'éroder la confiance dans les institutions en général. En outre, les campagnes étrangères s'appuient souvent sur des partisans, volontaires ou non, dans les pays cibles.  Dans les deux cas de campagnes de désinformation étrangères et nationales, les groupes historiquement marginalisés, notamment les femmes, les minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes handicapées et les personnes LGBTI, sont donc souvent ciblés et lésés de manière disproportionnée par ces efforts.8

Implications

Ces concepts interdépendants – les problèmes d’exclusion et d’attribution des politiques publiques, le concept de l’espace informationnel comme une tragédie des biens communs, et le rôle de l’information dans les fonctions d’agrégation, d’articulation et de mobilisation des intérêts des partis politiques ont plusieurs implications concrètes pour les acteurs qui conçoivent et mettent en œuvre des programmes de lutte contre la désinformation :

  1. Les meilleurs résultats démocratiques collectifs nécessitent un environnement informationnel sain.
  2. Chaque acteur particulier (un parti ou un candidat) peut percevoir une incitation à laisser les autres se comporter honnêtement tout en essayant d’obtenir un avantage concurrentiel grâce à la désinformation.
  3. En tant que tels, les partis politiques sont incités à la fois à perpétuer et à atténuer la désinformation. Qu’ils choisissent de la perpétuer ou de l’atténuer dépend du contexte ; en bref, les partis veulent que les électeurs disposent d’informations vraies sur les choses qui les aident et d’informations fausses sur les choses qui leur nuisent. L’inverse est vrai pour leurs opposants politiques. 
  4. Les désordres de l’information sont le produit de la perception par de nombreux acteurs de cette structure d’incitation et du fait qu’ils savent que leurs concurrents agissent en fonction de ces incitations. Les partis pourraient être disposés à s’engager en faveur de l’intégrité de l’information si ils pouvaient être sûrs que leurs concurrents fassent de même simultanément. Cependant, s’ils ne sont pas sûrs que leurs adversaires feront de même, même les partis honnêtes ou d’obédience démocratique peuvent être réticents ou incapables de renoncer à l’utilisation de la désinformation si cela signifie perdre les élections et leur chance de mettre en œuvre leur programme
  5. Lorsque les partis politiques S’ENGAGENT à assurer l’intégrité de l’information, ils ne sont pas des exempts de contradictions au sein de leur rassemblement et doivent relever un défi supplémentaire, à savoir veiller à ce que les candidats, les membres et les sympathisants soient tenus de respecter les engagements du parti. Cette réticence ou incapacité à surveiller et à sanctionner les co-militants aggrave le dilemme du point quatre ci-dessus.  
  6. Tenez compte de ces incitations politiques avant de concevoir et de mettre en œuvre des solutions techniques. Des cadres comme Thinking and Working Politically (Penser et travailler politiquement) et Applied Political Economy Analysis (Analyse d’économie politique appliquée) peuvent aider les acteurs à mieux comprendre les incitations politiques particulières auxquelles sont confrontés les partenaires et bénéficiaires potentiels. Les principales solutions politiques peuvent inclure une surveillance et une coordination internes et externes entre les partis concernés pour s’engager à atténuer la désinformation. 

Une remarque sur les solutions techniques : Dans certains cas, en particulier avec les partis démocratiques ou réformistes, les partis peuvent exprimer leur volonté de prendre des mesures concrètes pour atténuer la désinformation. Dans un plus petit nombre de cas, tous les principaux concurrents pourraient être disposés à prendre ces mesures.  Même les meilleurs scénarios, où les partis sont engagés dans la construction de solutions, donnent lieu à des problèmes concernant les solutions techniques, notamment en termes de contraintes de ressources et de capacité technique. Cependant, les solutions techniques sont nécessairement secondaires par rapport aux solutions politiques plus fondamentales. 

Footnotes
  1.  Réseau du savoir électoral ACE. « Rôles et définition des partis politiques » Consulté le 7 août 2020. https://aceproject.org/ace-en/topics/pc/pca/pca01/pca01a.
  2. Cette analogie de marché est tirée de la littérature séminale de science politique sur les partis politiques, notamment Aldrich, John H Why Parties?: The Origin and Transformation of Political Parties in America. Chicago : University Of Chicago Press, 1995 ; Kitschelt, Herbert, Zdena Mansfeldova, Radoslaw Markowski, Gabor Toka et Ellen Comisso. Systèmes de partis post-communistes. Cambridge University Press, 1999 https://www.cambridge.org/core/books/postcommunist-party-systems/17E6F6F698800A1A6E3E58AEA27A86DC; et autres. Pour un aperçu succinct de l'analogie avec le marché, voir Hale, Henry E. “Why Not Parties? Electoral Markets, Party Substitutes, and Stalled Democratization in Russia" Comparative Politics 37, no. 2 (2005): 147–66 https://doi.org/10.2307/20072880.
  3. Ce problème d'attribution - l'idée que les avantages des biens publics sont à long terme et incertains, et que les biens privés ont des avantages à court terme et garantis, notamment en termes de soutien électoral - est au cœur du « dilemme du politicien » - un concept qui explique pourquoi le clientélisme politique et la corruption conservent leur attrait, même pour les élus bien intentionnés ou soucieux du bien public. Voir Geddes, Barbara. Politician’s Dilemma: Building State Capacity in Latin America. University of California Press, 1994.
  4.  Olson, Mancur. The Logic of Collective Action: Public Goods and the Theory of Groups. 2ème édition. Cambridge, Mass. : Harvard University Press, 1971.
  5.  Hardin, Garrett. “The Tragedy of the Commons.” Science 162, no. 3859 (décembre 1968) : 1243–48.
  6.  Plusieurs analyses universitaires et populaires/politiques ont décrit les troubles de l'information comme une tragédie des biens communs. Voir, par exemple, Tierney, John. “The Non-Tragedy of the Commons.” TierneyLab (blog), 15 octobre 2009 https://tierneylab.blogs.nytimes.com/2009/10/15/the-non-tragedy-of-the-commons/; Gapper, John. « Facebook Faces the Tragedy of the Commons, », 29 novembre 2017. https://www.ft.com/content/ec74ce54-d3e1-11e7-8c9a-d9c0a5c8d5c9
  7.  Bret Schafer, communication personnelle avec les auteurs, janvier 2021.
  8.  Pour des exemples de la manière dont la violence contre les femmes (VAW) en ligne dissuade l'engagement politique des femmes, voir Zeiter, Kirsten, Sandra Pepera, Molly Middlehurst, et Derek Ruths. « Tweets That Chill: Analyzing Online Violence Against Women in Politics. Institut national démocratique, 2019. https://d4dcoalition.org/sites/default/files/2020-06/NDI%20Tweets%20That%20Chill%20Report.pdf.
  9.  Tucker, Joshua, Andrew Guess, Pablo Barbera, Cristian Vaccari, Alexandra Siegel, Sergey Sanovich, Denis Stukal et Brendan Nyhan. “Social Media, Political Polarization, and Political Disinformation: A Review of the Scientific Literature.” Préparé pour : Fondation William + Flora Hewlett, 2018 https://doi.org/10.2139/ssrn.3144139.
  10.  Ces mécanismes sont tirés d'Ibid. pp. 26-27.