1. Communication stratégique et éducation des électeurs pour atténuer les menaces de la désinformation

À l’ère de la surcharge d’informations et de la désinformation numérique, les OGE ont un besoin accru de réduire la cacophonie ambiante avec des messages proactifs et ciblés.  Les informations crédibles pouvant facilement se perdre dans un océan de messages distrayants, problématiques et trompeurs, il incombe aux acteurs faisant autorité - tels que les OGE - de veiller à ce que les messages crédibles atteignent les bons publics d'une manière qui les touche. Des messages proactifs de lutte contre la désinformation peuvent être intégrés dans la stratégie de communication générale d’un OGE, ou peuvent être le résultat d’un processus de planification spécifique de lutte contre la désinformation. Dans tous les cas, une stratégie de communication efficace nécessite une planification et une amélioration avant une élection. En fonction des schémas d’utilisation des réseaux sociaux dans son pays, un OGE peut également avoir la possibilité d’utiliser les réseaux sociaux pour atteindre des publics spécifiques sensibles ou susceptibles d’être ciblés par la désinformation, tels que les femmes, les personnes handicapées et les personnes ayant un faible niveau d’éducation, entre autres groupes. 

Comme toutes les mesures de cette section du guide, les stratégies de communication proactives peuvent et doivent être combinées avec d’autres réponses proactives, réactives ou coordonnées pour composer une approche globale et inclusive visant à améliorer l’intégrité de l’environnement informationnel autour des élections. Le choix de l’une ou plusieurs de ces mesures est susceptible de varier d’une élection à l’autre. 

Il ne faut pas confondre les messages proactifs avec l’idée plus limitée de messages qui sensibilisent le public à l’existence de la désinformation. La prise de conscience du fait que la désinformation constitue une menace est déjà en hausse; un sondage Pew Center 2018 montre que près des deux tiers des adultes des 11 pays étudiés pensent que « les gens devraient être très préoccupés par l’exposition à des informations fausses ou inexactes ». Cette constatation est également étayée par la recherche sur l’opinion publique du CEPPS. 1 Les messages peuvent et doivent chercher à sensibiliser à la nécessité d’être critique vis-à-vis des sources d’information, de réfléchir avant de partager du contenu et d’autres principes de base de la culture numérique. Cependant, les messages doivent également se concentrer sur l’objectif plus large de communiquer de manière à renforcer la confiance envers l’OGE et envers l’intégrité des processus électoraux.

Paragraphs

1.1 La visibilité de l’OGE a de la valeur

Construire un historique de communication cohérent peut aider un OGE à envoyer des messages avec autorité en cas de confusion ou de tension pouvant découler d’une mauvaise information ou d’une désinformation. Comme l’a clairement montré une nouvelle vague de désinformation numérique, il est de plus en plus vital d’investir dans la capacité d’un OGE à remplir sa mission de communication de base par le biais de canaux aussi bien nouveaux qu’établis. 

L’INE du Mexique fournit un modèle pour les OGE qui développent leurs propres approches organisationnelles afin de lutter contre la désinformation. L’INE a conçu une solide stratégie de médias numériques avant les élections de 2018, dans le but d’augmenter le volume de contenu crédible et captivant visant à attirer l’attention des utilisateurs sur les réseaux sociaux. Au cours de la période électorale de 2018, l’INE a produit et diffusé plus de six mille contenus numériques, également disponibles via un site Web centralisé axé sur la sensibilisation du public.2

« Nous misons sur une stratégie différente - confronter la désinformation à l'information. » - Dr. Córdova Vianello, conseiller-président de l’Institut national électoral du Mexique

INEC Nigeria - Photo Facebook L’INEC du Nigeria déploie un investissement institutionnel de longue date dans la communication publique comme rempart contre la désinformation. Pendant les périodes électorales, l’INEC organise des séances d’information télévisées quotidiennes, participe à des interviews télévisées en direct, publie régulièrement des communiqués de presse pour expliquer les politiques et les décisions de la commission, et gère l’INEC Citizens Contact Centre (ICCC) pour permettre au public d’accéder à la commission et de communiquer avec les principales parties prenantes. L’INEC a également une présence active sur les réseaux sociaux depuis plus d’une décennie, qu’elle utilise comme canal pour diffuser des informations et interagir avec les électeurs. Alors que l’INEC affronte la désinformation numérique, ses capacités de communication sont réévaluées et adaptées pour améliorer la façon dont elle est perçue en termes de transparence, de crédibilité et d’intégrité afin de conserver la confiance du public.  

La Cour Électorale Supérieure du Brésil (TSE) a renforcé ses stratégies traditionnelles de sensibilisation du public en investissant dans des applications mobiles largement adoptées qui permettent aux autorités électorales de communiquer rapidement et directement avec les électeurs et les agents électoraux. L’application mobile « e-Titulo » fonctionne comme une carte d’électeur virtuelle, aide les électeurs à identifier leurs bureaux de vote et fournit un moyen de communication directe entre la TSE et les électeurs.  L’application «  Mesários » fournit des informations et une formation aux agents électoraux. Au cours de la période électorale 2020, plus de 300 millions de messages ont été envoyés aux près de 17 millions d’utilisateurs de ces applications avec des informations opportunes et fiables sur l’organisation des élections, les protocoles de santé relatifs à la Covid-19, et des astuces pour lutter contre les fausses nouvelles.

« Nous voulons empêcher la diffusion de fausses nouvelles, non pas avec un contrôle du contenu, mais avec une clarification, une conscience critique et des informations de qualité. » — Le juge Luís Roberto Barroso , président de la Cour Électorale Supérieure du Brésil (TSE)

1.2 S’attaquer aux objectifs de la propagande, plutôt qu’à la propagande elle-même

Une stratégie de communication proactive tentera d’anticiper quelles catégories de messages faux ou problématiques sont susceptibles de gagner en popularité et d’être préjudiciables lors d’une élection spécifique, et visera ensuite à renforcer la résilience dans ces domaines. Le manuel sur la stratégie nationale des opérations de contre-information du Harvard Belfer Center souligne que les communicateurs doivent chercher à parer aux objectifs de la propagande, plutôt qu’à la propagande elle-même. Une campagne de communication proactive permettant au public de mieux comprendre les procédures électorales et d’avoir confiance en l’intégrité de l’OGE est probablement plus efficace que d’essayer d’anticiper chaque faux récit que des acteurs malveillants pourraient choisir d’employer, d’autant plus que ces acteurs peuvent changer et adapter rapidement leurs stratégies. Si un récit fallacieux ne fait pas recette, ils peuvent simplement passer à un autre.

« Compte tenu du volume et du contenu des opérations d’information que les concurrents peuvent cracher via les réseaux sociaux et traditionnels, [les autorités] ne peuvent et ne doivent pas répondre à chaque faux récit individuellement. Aborder le contenu ajoute directement de l’huile sur le feu. — Manuel du Belfer Center sur la stratégie nationale des opérations de contre-information

La désinformation électorale relevant de la compétence d’un OGE peut chercher à saper la confiance dans la valeur ou l’intégrité des élections ou des autorités électorales, inciter à la violence électorale ou semer des soupçons de fraude qui posent les bases de contestations judiciaires post-électorales. Dans le cadre d’une approche proactive, les OGE et autres parties prenantes pourraient concevoir une stratégie de communication avant les élections autour des objectifs d’amélioration de la transparence et de la compréhension des processus électoraux, en mettant en évidence les mesures de sécurité électorale ou en expliquant le processus de règlement des différends électoraux. 

La désinformation électorale peut également qvoir pour but d’empêcher des groupes spécifiques de participer au processus électoral en diffusant de fausses informations sur les droits de certains groupes et en visant des groupes spécifiques avec de fausses informations électorales. Les campagnes de désinformation manipulent et amplifient fréquemment les discours de haine et les divisions sociales identitaires, permettant à des acteurs malveillants d’intensifier la polarisation sociale à des fins personnelles ou politiques. Les OGE peuvent lutter de manière proactive contre ces mesures en veillant à ce que leurs stratégies de communication ciblent les groupes majoritaires et les groupes minoritaires avec des messages qui mettent en évidence les droits des femmes, des personnes handicapées et d’autres groupes marginalisés à participer de manière égale au processus électoral, ainsi que d’autres informations ciblées sur les électeurs. Pour atteindre les différents groupes, il peut s’avérer nécessaire de faire circuler l’information en utilisant des stratégies de diffusion particulières qui diffèrent des initiatives générales d’éducation des électeurs – en face-à-face ; dans les marchés, les églises et autres lieux communs ; dans un langage simple, en utilisant des images ou dans des langues minoritaires – afin de tenir compte des obstacles auxquels ces groupes sont confrontés lorsqu’ils cherchent à accéder à l’information. 

Compte tenu des changements apportés à l’administration des élections par la réforme électorale de 2014 au Mexique, la non compréhension des nouveaux processus a été une source potentielle de fausse information et de désinformation au cours du processus électoral de 2018, le premier dans le cadre des nouvelles réformes. Un élément clé de la stratégie de communication publique de l’INE avant les élections a consisté à mieux comprendre les mécanismes de vote, de dépouillement et de transmission des résultats, en expliquant les nouveaux processus de manière claire et simple afin que les gens sachent à quoi s’attendre à chaque instant pendant l’élection. Communiquer de manière à renforcer la neutralité politique de l’INE était également essentiel, car les autorités savaient que des acteurs militants ou malveillants pourraient tenter de politiser l’institution.

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L'Indonésie dispose de deux organes distincts de gestion des élections. Le Komisi Pemilihan Umum (KPU), qui administre les élections en Indonésie, ainsi que l'organe de supervision des élections, Badan Pengawas Pemilihan Umum (Bawaslu), qui est chargé de surveiller et de contrôler le processus électoral.  

Le CEPPS a mené un travail de terrain à Jakarta à la fin de l'année 2019 afin d'éclairer l'élaboration de ce guide.

En Indonésie, où les lignes de fracture intercommunautaires sont susceptibles d’être exploitées à mauvais escient, l’organe de surveillance des élections, Bawaslu, a créé des communiqués d’intérêt général contre l’incitation à la violence et les discours de haine et promouvant l’éducation numérique avant les élections de 2018.  Les communiqués d’intérêt général ont été élaborés avec le soutien de l’IFES et diffusés via YouTube, Instagram, Facebook, Twitter, WhatsApp et les sites Web de Bawaslu ainsi que des panneaux d’affichage numériques dans tout Jakarta. Ces communiqués d’intérêt général ont été suivis d'une deuxième série axée sur le rôle de l'observation publique participative des élections et de tutoriels sur les outils de signalement des violations des élections, ainsi que de mises en garde contre l'incitation à la violence et la désinformation.3 La stratégie et les intrigues des communiqués d’intérêt général ont été élaborées dans le cadre d'un atelier consultatif animé par l'IFES avec les deux organes de gestion des élections et les principaux partenaires de la société civile. 

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Dessin animé indonésien Pour contrer les discours de haine et la propagation de la désinformation, en partenariat avec CEPPS/IFES, la Commission électorale de l'Union (UEC) du Myanmar a développé des messages d'intérêt public animés qui ont été partagées sur les réseaux sociaux et les sites Web de l'UEC et de ses partenaires. Cela a également été adapté en une BD et traduite en 20 langues ethniques.

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Annonce indonésienne

Le KPU en Indonésie a créé 3 000 memes anti-canulars, qui consistaient en infographies et autres contenus de marque sur les médias sociaux avant les élections. Le contenu créé par le KPU central serait modifié par les bureaux régionaux en fonction du contexte local et traduit dans les langues locales.

Highlight


Affiche taïwanaise

 

Le Premier ministre Su Tseng-chang a partagé sur Facebook cette image le montrant comme un jeune homme avec une chevelure, afin de dissiper les fausses informations en ligne concernant la nouvelle réglementation gouvernementale sur les salons de coiffure. Elle inclut la mise en garde simulée : « La teinture et la permanente dans les sept jours qui suivent endommagent vraiment vos cheveux, et dans les cas les plus graves, vous finirez comme moi.» 

 

PHOTOGRAPHIE : PAGE FACEBOOK DU PREMIER MINISTRE SU TSENGCHANG

1.3 Créer des messages efficaces pour promouvoir l’intégrité de l’information

Élaborer des messages susceptibles de retenir l’attention

Face à l’innovation constante des méthodes de communication, les OGE doivent répondre à la nature évolutive de la communication. Cela ne signifie en aucun cas que les OGE doivent abandonner les canaux de communication traditionnels ; la radio, la télévision et les journaux touchent toujours directement une plus grande part de la population que les réseaux sociaux dans la plupart des pays, et les médias traditionnels font toujours partie de l’écosystème de l’information qui amplifie les informations fausses et trompeuses provenant d’Internet. Cependant, en révisant et en innovant dans leurs approches de communication, les OGE peuvent aider leurs publics clé à recevoir des messages qu’ils consommeront et retiendront plus facilement. L’identification explicite des moyens de créer un contenu susceptible de retenir l’attention peut constituer un élément important de la stratégie de lutte contre la désinformation de l’OGE. 

Même si un OGE utilise déjà, dans une certaine mesure, les réseaux sociaux, une réflexion stratégique doit être menée sur l’intérêt de s’engager auprès des électeurs sur de nouvelles plateformes ou d’utiliser de nouvelles fonctionnalités sur les plateformes où il est déjà présent. Par exemple, bien que la CEI d’Afrique du Sud soit présente sur Facebook et Twitter depuis près d’une décennie, elle a utilisé pour la première fois en 2019 une fonction d’inscription des électeurs sur Snapchat. Cette fonctionnalité intégrée à l'application connectait les utilisateurs de Snapchat aux ressources d'inscription des électeurs, et le nombre d'utilisateurs sud-africains profitant de cette fonctionnalité pour s'inscrire dépassait les moyennes des autres pays.4 La TSE brésilienne, tout en continuant à étendre son utilisation d’Instagram, Facebook et Twitter, a établi une présence sur TikTok moins de deux mois avant les élections locales de 2020. Étant donné que le contenu sur TikTok peut atteindre de manière organique un large public sans avoir besoin de créer d’abord une base d’abonnés, au cours de ces deux mois, le compte TikTok de la TSE a gagné 20 000 abonnés et des millions de vues pour sa bibliothèque d’environ 80 vidéos ; une vidéo TikTok décrivant les protocoles de santé à suivre le jour du scrutin a atteint plus de 1,2 million de vues à elle seule.

À Taïwan, la forme des messages de riposte provenant des canaux officiels est encouragée à être amusante et « mémétique » pour augmenter la probabilité que les messages de riposte puissent devenir viraux de manière organique via les mêmes canaux par lesquels la désinformation prolifère. Par exemple, pour empêcher la transmission de fausse information et de désinformation pendant la pandémie de COVID-19, la ministre du numérique Audrey Tang a créé le Taiwan FactCheck Center, qui comprend des équipes d’ingénierie de mèmes qui s’associent à des comédiens nationaux pour clarifier les rumeurs en ligne au public de manière rapide, humoristique et efficace. Cette stratégie de « l’humour plutôt que la rumeur » est reconnue comme une stratégie essentielle pour aider à freiner la propagation de la COVID-19 à Taïwan, et cette approche peut être adaptée pour lutter contre la désinformation au-delà de la pandémie. 

Pour rendre le contenu à la fois susceptible de retenir l’attention et crédible, les OGE peuvent également identifier des messagers de confiance capables d’atteindre des publics spécifiques. Établir des lignes de communication avec des dirigeants ou des membres de groupes religieux, de clubs sportifs, de bibliothèques, de réseaux professionnels ou d’autres espaces traditionnellement apolitiques pourrait être un moyen d’atteindre de nouveaux publics avec des messages proactifs. L’INEC du Nigeria, par exemple, travaille avec des acteurs et d’autres célébrités pour visiter les campus universitaires et susciter l’enthousiasme des jeunes électeurs. La TSE du Brésil s’est associé à des clubs de football dans le cadre de leur campagne #NaoTransmitaFakeNews exhortant les utilisateurs à ne pas diffuser de fausses nouvelles. Dix-huit clubs de football ont participé à la campagne, qui a recueilli plus de 80 millions d’impressions sur Twitter aux premier et deuxième tours de l’élection.

Ces réseaux de messagers de confiance, lorsqu’ils sont construits à l’avance, peuvent également être utilisés comme canaux de diffusion et amplificateurs dans les cas où de fausses informations doivent être démenties, approche qui est abordée plus en détail dans la sous-section sur la communication de crise. Bien que ces réseaux puissent être établis par les autorités électorales nationales, les OGE régionaux pourraient également tirer profit de la création de leurs propres réseaux infranationaux de messagers de confiance. 

Rendre les messages inclusifs et accessibles

Les OGE doivent veiller à ce que les messages soient inclusifs et accessibles à tous et, en particulier, aux groupes historiquement marginalisés. Les OGE doivent s’assurer qu’ils prennent en compte les diverses manières dont les gens accèdent aux informations destinées aux électeurs. Par exemple, les hommes d’un pays donné peuvent être plus enclins à se fier à la télévision pour obtenir des informations destinées aux électeurs, tandis que les femmes peuvent se fier aux messages radio ou aux conversations avec leurs voisins. Les OGE peuvent mener des enquêtes ou des sondages, ou consulter des organisations qui représentent des personnes issues de différents groupes marginalisés, afin de comprendre comment les différents électeurs accèdent à l’information, puis répondre à ces besoins.  

En outre, de nombreuses plateformes de réseaux sociaux offrent aux utilisateurs des moyens d’ajouter facilement des fonctionnalités d’accessibilité, telles que le texte alternatif (alt)5 qui permet aux lecteurs d’écran de décrire les photos, l’affichage de la transcription d’un fichier audio tel qu’un enregistrement radio, ou les sous-titres ou les légendes6 sur les vidéos. Les OGE qui utilisent ces fonctionnalités et qui incluent des acteurs et des images de personnes handicapées et d’autres identités diverses dans leurs campagnes rendent leur contenu plus inclusif et accessible. Les OGE peuvent contribuer à garantir que le contenu qu’ils produisent soit accessible en diffusant des messages sous plusieurs formats, tels que la langue des signes, les langues faciles à lire et les langues locales, et en consultant les organisations de la société civile à propos des plateformes, des pages et des pseudos les plus utilisés. 

Par exemple, avant les élections d’août 2020 au Sri Lanka, l’OGE a collaboré avec un groupe d’Organisations de Personnes Handicapées pour créer une campagne sur les réseaux sociaux afin de s’assurer que les personnes souffrant de handicaps psychosociaux sachent qu’elles avaient le droit de voter, et de sensibiliser les partis politiques à la nécessité d’éliminer le langage désobligeant de leurs campagnes politiques. La campagne, produite à la fois en cinghalais et en tamoul, a touché près de 50 000 personnes et a conduit le président de l’OGE à publier une déclaration publique reconnaissant les droits politiques des personnes souffrant de handicaps psychosociaux. 

Un autre point clé de l’accessibilité est de considérer l’écart d’accès à et de connaissance de certaines technologies pour certaines populations. L’écart entre les sexes dans l’accès aux outils techniques et à Internet, par exemple, est bien documenté et souligne la nécessité de continuer à diffuser des messages de manière accessible aux personnes qui pourraient ne pas avoir un accès systématique à la technologie. 

Faire en sorte que les messages aient de l’impact

Pour faire en sorte qu’un contre-récit proactif ait de l’impact face à une attaque de désinformation répétitive et insistante, il doit avoir un argument clair et être répété de nombreuses fois. La recherche suggère que, indépendamment de la fausseté ou de la véracité d’une déclaration, le fait de la répéter la fait paraître plus vraie, même si elle va à l’encontre de ce que l’on pense savoir. 

En réponse à une campagne frauduleuse au cours de laquelle des acteurs malveillants ont utilisé le nom de la Commission Électorale Centrale (CEC) pour frapper chez des gens et obtenir leurs informations personnelles, l’OGE géorgien a largement diffusé le message selon lequel il ne collecte pas d’informations de cette manière, puis a répété ce message via plusieurs canaux de communication. La réponse de l’OGE ne s’est pas contentée de contredire le message qui était diffusé, mais a profité de l’incident initial pour sensibiliser le public aux méthodes frauduleuses, et pour partager un message clair sur la façon d’obtenir des informations crédibles si les électeurs étaient confrontés à des situations similaires à l’avenir. 

Les messages n’ont pas besoin d’être technologiquement révolutionnaires pour être efficace, mais il est essentiel d’adapter les approches afin de répondre aux nouveaux besoins. Des ressources et un personnel limités, des stratégies de communication obsolètes ou inexistantes et la conviction que la vérité d’un message doit parler d’elle-même peuvent nuire à l’efficacité de la communication des OGE. Réfléchissant à une conférence de presse que son institution avait organisée pour démentir les fausses informations circulant sur les élections à venir, un membre du personnel d’une commission électorale d’Afrique de l’Est a observé qu’elle n’avait servi qu’à augmenter la viralité des rumeurs et à encourager la désinformation. Les messages de riposte réactifs, statiques et peu engageants ont moins de chances d’atteindre le résultat souhaité, à savoir renforcer la confiance envers le processus.

1.4 Tirer parti des particularités des réseaux sociaux au profit de l’OGE

Les réseaux sociaux peuvent fournir aux OGE équipés un outil puissant pour accroître la transparence institutionnelle, renforcer la confiance et exécuter leur mission d’éducation des électeurs. Bien que l’utilisation institutionnelle des réseaux sociaux ne soit plus une idée d’avant-garde, il existe des OGE qui n’utilisent toujours pas les réseaux sociaux du tout, et beaucoup s’efforcent de maintenir leurs approches à jour à mesure que les modèles d’utilisation des réseaux sociaux évoluent. Pour les pays où les taux de pénétration des réseaux sociaux sont élevés, l’investissement dans la capacité d’un OGE en matière de réseaux sociaux est un moyen à coût modéré et à fort impact d’atteindre des publics clé et de diffuser des messages de riposte sur les mêmes canaux où la désinformation numérique prend naissance et se propage. 

Utiliser les réseaux sociaux pour une communication bidirectionnelle

Les réseaux sociaux peuvent constituer un canal de dialogue direct entre les OGE et les électeurs. Il est donc très important de former et d’encourager le personnel de l’OGE à tirer parti de ce canal de communication bidirectionnel. En raison du caractère informel du média, les réseaux sociaux ont le potentiel d’être un moyen de communication plus authentique, ouvert, opportun et réactif. La volonté d’un OGE d’interagir directement avec les électeurs, via ses canaux de réseaux sociaux, pour une communication rapide et personnelle, peut renforcer la confiance et fournir une source faisant autorité que les électeurs peuvent consulter pour vérifier des informations. Lorsqu’ils décident d’adopter une présence plus marquée sur les réseaux sociaux, les OGE doivent disposer des ressources nécessaires et être prêts à exploiter ce potentiel. Une fois qu’un OGE a ouvert ce canal de conversation, il doit être prêt à le maintenir.

 « Le déploiement des médias sociaux comme stratégie de communication utilisée par l’INEC a eu un impact profond sur les processus électoraux. Cela a transformé la façon dont les citoyens et les électeurs obtiennent des informations : des médias traditionnels ou des canaux de communication unidirectionnels, ils sont passés aux plateformes mobiles qui permettent des interactions bidirectionnelles grâce au contenu et à la communication générés par les utilisateurs. » - Dr. Sa’ad Umar Idris, Directeur général de l’INEC Electoral Institute, Nigéria

Segmenter les publics et atteindre les publics cibles

Les réseaux sociaux offrent également la possibilité de segmenter et d’atteindre des publics via des messages plus spécifiquement calibrés auxquels ils puissent s’identifier. Il s’agit d’une stratégie puissante déjà employée par les acteurs de la désinformation. 

Il existe deux optiques pour identifier les publics qu’un OGE peut vouloir cibler avec des messages spécialisés de riposte à la désinformation. Tenir compte de ces deux éléments dès le début de l’élaboration d’une stratégie de communication contre la désinformation peut donner différentes idées sur les publics à atteindre et comment y parvenir.

La première optique est de prendre en compte les publics susceptibles d’être des consommateurs de fausse information et de désinformation pouvant avoir un impact sur leur volonté ou leur capacité à participer. Par exemple, un OGE pourrait identifier les électeurs qui votent pour la première fois, les électeurs handicapés, les électeurs d’une minorité ethnique ou linguistique - ou tout autre groupe d’électeurs - comme particulièrement exposés à la désinformation visant à supprimer leur participation démocratique. En identifiant les tactiques qui pourraient être utilisées pour empêcher la participation de ces groupes, les OGE peuvent concevoir et cibler des contenus qui dissipent les malentendus concernant l’inscription des électeurs, renforcent la compréhension de l’accessibilité des bureaux de vote ou décrivent les mesures prises pour garantir le secret et la sécurité du vote. Il est bien sûr important que l’OGE comprenne si ces populations ciblées utilisent réellement les plateformes de réseaux sociaux (et lesquelles) avant d’employer cette stratégie. Par exemple, certains groupes marginalisés pourraient être plus susceptibles d’utiliser des plateformes de réseaux sociaux spécifiques en raison de différents obstacles individuels, institutionnels et culturels. 

Dans le cadre de la planification de la communication, l’IEC d’Afrique du Sud identifie les jeunes, les électeurs spéciaux et ceux qui votent à l’étranger comme des publics distincts afin de les atteindre avec des messages spécifiques. En outre, il intègre des campagnes de communication discrètes dans sa stratégie de communication globale, notamment des messages sur l’inscription, les demandes de vote spécial et de vote à l’étranger, les procédures de vote et le renforcement de la sensibilisation à la désinformation numérique. L’intégration de cette segmentation dans une stratégie de communication cohérente peut s’avérer une façon importante d’utiliser de manière proactive les réseaux sociaux afin de fournir des informations, créer une boucle de rétroaction et atteindre des publics qui pourraient avoir besoin de plus d’informations avant de participer. 

La deuxième optique est de penser aux publics qui pourraient faire l’objet d’une campagne de désinformation. Comme pourrait l’être une campagne de désinformation évoquant les courants de haine à l’encontre des populations marginalisées afin de décourager la participation, alléguer une fraude électorale ou susciter l’indignation parmi les groupes identitaires dominants. Par exemple, une campagne de désinformation peut être conçue pour intimider les candidates afin qu’elles abandonnent la course ou pour insinuer que les populations immigrées se livrent à une fraude électorale à grande échelle. 

Highlight


Équiper les OGE pour qu'ils utilisent les médias sociaux de manière plus efficace pour atteindre différents publics pourrait inclure :

  • Utiliser l'analyse des médias sociaux pour déterminer quels types de contenu fonctionnent le mieux et quels publics sont et ne sont pas atteints.
  • Test de messages A/B, qui permet au créateur de contenu de comparer les performances de différents éléments de contenu afin qu'il puisse rapidement pivoter vers des stratégies de messagerie performantes tout en se débarrassant du contenu moins performant. 
  • Utiliser les fonctions de publicité ciblée des médias sociaux pour atteindre des publics définis.

La complexité de cette tâche peut être adaptée pour correspondre aux besoins et aux capacités d’un OGE particulier, sachant que pour certains OGE, seules des approches très basiques seront possibles ou conseillées et que pour d’autres OGE, des techniques avancées seraient tout à fait appropriées. 

Il convient de noter qu’entre les mains d’entités commerciales et d’acteurs malveillants, des tactiques telles que celles ci-dessus ont été, à juste titre, traitées avec suspicion. Alors que les OGE doivent toujours respecter des normes élevées en matière de confidentialité et de protection des données, ces outils largement disponibles sont en grande partie neutres en termes de valeur - ce sont les utilisations auxquelles ils sont destinés qui déterminent leurs enjeux éthiques. Si les OGE et les autres institutions démocratiques ne tirent pas parti de la manière dont les outils des réseaux sociaux peuvent être exploités pour promouvoir les objectifs démocratiques et l’intégrité de leurs institutions, alors ils ne pourront jamais rivaliser avec les acteurs malveillants, en termes de capacité à façonner l’espace d’information autour des élections ou autour de la démocratie en général et continueront d’être surpassés par ceux-ci sur le front de la diffusion de messages.  

« Vous devez utiliser les réseaux sociaux pour participer de manière proactive. Si vous ne les utilisez que pour réagir, contrôler ou limiter les réseaux sociaux, c’est peine perdue » — Janet Love, Vice-présidente de la Commission Électorale d’Afrique du Sud

 

Footnotes

1i.e. Préoccupations relatives à la désinformation et à la mésinformation au Nigeria (2019). Recherche interne de l'IFES sur l'opinion publique.

 2 « New challenges for democracy: Elections in times of disinformation,, » Instituto Nacional Electoral (2019) : 6.

3Mohan, Vasu et May Jacobs, Tanya Azuaje, Kyle Lemargie et Carla Chianese, “The Race Against SARA and Hoaxes in Indonesian Elections,” Document de travail de l'IFES, 2020.

4Vice-présidenteJanet Love, Commission électorale de l'Afrique du Sud, remarques dans Sauvegarde de l'intégrité électorale à l'ère numérique, stratégies de lutte contre la désinformation numérique, Mars 2020.

5Twitter, Instagram, Facebook, LinkedIn ont des directives pour créer du texte alternatif.

6Les utilisateurs ont la possibilité d'ajouter leurs propres sous-titres. ou utiliser le sous-titrage automatique sur YouTube.